9/10L'Art d'avoir toujours raison

/ Critique - écrit par Kassad, le 29/11/2005
Notre verdict : 9/10 - Il n'a pas tort le bougre ! (Fiche technique)

Bon ok j'aurais pu faire une critique de l'oeuvre majeure d'Arthur Schopenhauer : Le monde comme volonté et comme représentation, mais j'avoue que j'ai eu un coup de flemme soudain en considérant les 800 pages d'une écriture serrée et exigeante. Je me suis donc lâchement rabattu sur une toute petite production de cet iconoclaste : L'art d'avoir toujours raison. L'avantage de ce mini essai est qu'il vous permettra de briller en société : vous pourrez dire que vous avez lu un ouvrage complet d'un des plus grands philosophes, et il n'y a pas à dire ça jette.

Plus sérieusement, L'art d'avoir toujours raison est à la fois abordable par tout un chacun et diablement intéressant. L'écriture de Schopenhauer ne regorge pas de concepts sophistiqués et ne nécessite pas bac+5 en philo pour être comprise. Les citations latines et grecques sont traduites et ne présentent donc elles non plus pas un obstacle pour la compréhension (elles donnent juste une touche un peu artificielle pour les non habitués). L'intérêt quant à lui tient principalement à ce que cet essai aborde un point noir de la pensée contemporaine. De nos jours la rigueur scientifique, on serait tenté de dire l'austérité, semble avoir tout balayé sur son passage. Si la science a en effet d'incomparables vertues (notamment une recherche constante de l'objectivité) elle ne peut pas tout couvrir, et dans de nombreux cas elle est inopérante. Cependant le prestige de la science est tel que tous les discours qui ne s'y réfèrent pas tombent peu à peu en désuhétude. Or comme le fait remarquer Schopenhauer l'homme est très loin non seulement d'être infaillible mais aussi d'avoir une connaissance infinie. Dès lors quand on soutient une thèse il se peut que la preuve de cette thèse ne nous vienne pas immédiatement à l'esprit (même si elle est vrai), si tant est qu'elle existe (une opinion politique par exemple n'est pas vraiment prouvable au sens scientifique). Si on veut la soutenir il faut tout de même pouvoir le faire. Le champ de cet essai est donc d'exposer les techniques qui permettent de convaincre quand on ne peut pas s'appuyer sur la logique pure.

Schopenhauer expose donc différents "stratagèmes" pour permettre de vaincre mais aussi de se défendre pendant une joute intellectuelle. On voit toute la dimension que peut prendre une telle entreprise dans notre siècle de communication omniprésente. Et effectivement on peut voir cet essai comme un décodeur des différents débats auxquels on assiste dans les médias en général. C'est un véritable délice que d'écouter un débat politique avec ce petit manuel de communication en main. On reconnaît les stratagèmes utilisés et on s'amuse en pensant aux conseillers en communication qui ont du se faire payer des fortunes pour appliquer des recettes vieilles comme le monde ou presque (le premier ayant fait une étude systématique sur le sujet était Aristote...). La lecture de petit livre réussit le tour de force d'être à la fois instructive, distrayante et légère : une espèce de Graal rarement atteint en philosophie.

En ce qui me concerne cet essai devrait faire parti de toute formation civique digne de ce nom. Le débat est au coeur de la démocratie et ses mécanismes de bases devraient faire parti de la formation d'un citoyen au même titre que la connaissance des institutions et des droits et devoirs de tout un chacun.