Les Annales du Disque-Monde - Tome 6 - Trois soeurcières
Livres / Critique - écrit par nazonfly, le 09/10/2009 (Pratchett est décidément une bonne poire secouée. Il le prouve en détournant Shakespeare. Pour notre plus grand bonheur.
Elles sont trois, comme les Parques, comme les Nornes. Ou comme les Pieds Nickelés. Trois sorcières qui ne sont pas vraiment soeurs. Pas franchement le genre à faire des sabbats et à danser nues sous la Pleine Lune dans les montagnes du Bélier. En tout cas pour deux d'entre elles. Nous avons déjà croisé Mémé Ciredutemps dans La huitième fille, un caractère tellement agréable et détendu qui ferait passer un bourreau pour un joyeux luron et une porte de prison pour un modèle d'ouverture. Non décidément le sabbat ce n'est pas pour elle. Quant à danser nue... il faudrait qu'elle sache d'abord qu'elle a un corps sous ses pelures d'habits. A ses côtés, se tiennent Nounou Ogg et Magrat Goussedaille. Nounou est sans doute l'un des personnages les plus attachants du Disque-Monde. Oui autant que la Mort. Autant que Rincevent. Danser nue ? Pourquoi pas. Mais à condition qu'il y ait de l'alcool et des hommes. Si Mémé Ciredutemps passerait pour prude à côté de Jeanne d'Arc, Nounou Ogg, elle, a vu le loup et le bourdon du mage. Plusieurs fois. On ne compte même plus le nombre de ses enfants. Pour compléter ce trio machiavélique, enfin presque, se tient Magrat Goussedaille. C'était son idée le sabbat, même si le but n'est pas de convoquer le démon et de s'ébattre dans les champs. Pour Magrat, un sabbat est la version sorcière d'une réunion Tupperware. Et devinez qui va sauver le Royaume de Lancre, à l'agonie depuis la mort accidentelle de son Roi tombé dans les escaliers sur sa propre dague ?
Le Royaume de Lancre n'est certainement pas l'endroit le plus célèbre du Disque-Monde. A vrai dire, c'est plutôt un petit pays. Très joli, très pittoresque et surtout pas franchement très grand. Mais on a beau être un petit pays, on aime avoir un Roi et non pas un usurpateur de Duc qui n'aime pas le pays. L'âme du pays est en train de s'éveiller et les trois sorcières vont devoir tout faire pour mettre sur le trône quelqu'un qui l'a dans le cœur. Une histoire de fous qui va entraîner les sorcières par monts et par vaux, et même jusqu'à Ankh-Morpork. Et surtout qui va les faire rencontrer une troupe de théâtre. C'est évidemment dans le théâtre que baigne cet épisode des Annales du Disque-Monde. L'œuvre de Shakespeare n'est jamais bien loin dans ces histoires de rois trahis et assassinés, d'enfants cachés. Mais bien sûr sous la plume de Terry Pratchett toute cette influence est repeinte de la couleur du n'importe quoi. Ainsi dans Macbeth, les trois sorcières sont parfois appelés weird sisters : le titre original de Trois soeurcières est Wyrd sisters. Des citations du Roi Lear, du Songe d'une nuit d'été, de Richard III, voire des allusions à Richard Nixon, émaillent ainsi le récit. Le lecteur peu au fait de l'oeuvre du dramaturge manquera sans doute la plupart de ces références. Ce qui n'empêche pas d'apprécier heureusement l'histoire et l'imagination fertile de Terry Pratchett. Si, comme il le dit, les particules d'inspiration brute pleuvent et touchent les esprits réceptifs, alors Pratchett est constamment traversé par un vent de particules d'inspiration brute. Et il les capte toutes.